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Les mots de Lilou
14 novembre 2012

Des mots, une histoire 81 : Faire le point

44 - robert doisneau     Désir d'histoire

photo Robert Doisneau

Elsa voulait faire un break ; elle voulait faire le point sur sa vie. Soixante ans et quelque, trois enfants, cinq petits enfants et un mari éloigné depuis longtemps de ses préoccupations. Se rendait-il seulement compte à quel point elle était déprimée, jusqu’où elle avait failli « aller » si ce jour-là, la coiffeuse n’avait pas téléphoné pour  déplacer son rdv.

Elle avait rapidement rempli une valise, loué une voiture, la sienne ne serait pas neutre dans sa méditation ; des souvenirs s’y attachaient.

Elle choisit de prendre la route, l’ancienne, celle d’avant l’autoroute et des grands axes de circulation fuyant les miasmes du modernisme. Pas de camion et pour l’instant pas de tracteurs…. Plus tard peut-être quand elle aborderait les vignes de Bourgogne et de Beaujolais.  Il y avait du boulot chez les vignerons en cet automne.

Elle savait que dans ces petits villages de terroir, des maisons d’hôtes s’étaient ouvertes. Un bref tour sur le net lui avait indiqué un endroit qu’elle connaissait bien, la fille de Francette camarade de classe s’y était installée.

Elle arriva en fin d’après-midi, le soleil d’octobre déclinait à l’horizon. Une larme, vite essuyée osa rouler de ses paupières à joue libre de maquillage quand elle aperçut Francette en descendant de voiture, devant la vieille église.

La chambre était simple mais très agréable. Au milieu de la chambre un beau bouquet de dahlias, probablement les derniers du jardin, l’invitait à entrer. La vue sur les vignes et la pommeraie lui gonfla le cœur.La nuit fut douce. Depuis combien de temps n’avait-elle pas dormi aussi bien sans le secours d’une médecine diablement dangereuse. Elsa perçut l’odeur de café et entendit au même moment, un coup discret frappé à la porte.

            « - Paresseuse ! lui dit d’une voix chaleureuse et enjouée, Francette. P’tit déj’ à l’ancienne. Café avec ou sans lait, des tartines de « gros pain » beurre de ma baratte, confiture maison, c’est ma fille Laetitia, une cuisinière hors pair comme tu pourras le constater ce midi, qui les fait, et œufs de mes poules ! »

et puis dépêche-toi, avait-elle ajouté, le soleil brille déjà et je t’emmène balader ; Y a à visiter ! »

Elsa s’était régalée ; léchée les cinq doigts et le pouce comme on dit dans le coin !Quelle gentillesse ! Elles n’avaient pas été très amies, juste de bonnes copines et voilà que Francette avait deviné son désarroi.

Elle prit une douche et fit couler l‘eau fraîche sur son corps encore ferme malgré des petites rondeurs. Elle s’habilla d’un jean et d’un pull, elle téléphona à sa fille aînée qu’elle chargea d’informer la famille que tout allait bien et rejoignit Francette.

Elles empruntèrent le chemin derrière l’Eglise, passèrent devant la cure, et se retrouvèrent rue Gabriel Chevallier puis la mairie et la vieille école. Une surprise l’attendait.

C’était un musée. Ils fleurissaient un peu partout dans les campagnes. Son village n’avait pas échappé à la tendance.

La gorge un peu sèche d’émotion et de poussière, Elsa pénétra dans cette vaste salle qu’elle avait connue comme classe. Sur les étagères, certaines d’époques, des crayons de couleurs mâchonnés, des ardoises encore blanchies de craie, les bouteilles d’encre violette, buvards maculés, des bons points oranges ; elle se perdit dans ses pensées. Elle se revoit avec dix bons points pour une image. Elle avait choisi un chien. Sur les murs les tableaux de conjugaison des verbes « chanter, finir puis être et avoir », la carte de géographie du relief de la France et celles des fleuves et rivières. Au fond bien en face de la porte, la superbe photo de Robert Doisneau d’un enfant qui lève les yeux au ciel se demandant pourquoi  9 fois 2 cela fait 18 et que 3 fois 6 aussi.

            « Tu vois, dis doucement Francette, rompant un peu la magie de l’instant, j’ai pris ma retraite il y a trois ans maintenant, j’étais instit et entre un coup de main à Laetitia à l’auberge et les brocantes le dimanche, j’occupe mes loisirs en construisant ce petit musée. J’ai fait un recueil de vieilles photos de classe dit-elle encore en désignant un livre broché ; sa vente ainsi que le prix du billet d’entrée, vat à l’aide humanitaire ; construction d’écoles etc.

Elsa resta une bonne semaine dans le village de son enfance. Elle décida de retourner vivre auprès de son mari ; tant pis pour l’amour enfui et la tendresse rustique sans effusion qu’il lui offrait, elle avait maintenant d’autres objectifs.

Lilou

 les mots pensée – visiter – vieille – trois – désigner – simple – eau – beau  – connaître – miasmes – gorge – entendre – loisir – cuisinière – moment – être (verbe) – effusions – dernier – se rendre

mercredi 14 novembre 2012

 

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Commentaires
P
10 bons points pour une image !! Que de bons souvenirs tu me rappelles là! Son mari n' a pas fini de lui voir tourner le dos à la copine de Francette .........
S
Avec une photo de Doisneau en support, tu ne pouvais que faire un billet charmant, Lilou.<br /> <br /> Comment ça va ?<br /> <br /> Bonne semaine & bisous d'O.
L
Très joli texte avec de très beau souvenirs, cette nostalgie et la grande sagesse de cette femme... bonne fin de wek-end :) bises
V
un texte plein de nostalgie autour de cette jolie photo (et une remarque très vraie : "un enfant qui lève les yeux au ciel se demandant pourquoi 9 fois 2 cela fait 18 et que 3 fois 6 aussi." ) bon week end Lilou
J
Plein de bons points pour ton texte!
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