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Les mots de Lilou
13 avril 2012

Les plumes de l'année : les mots en P

Les errances de Pipioli

Quand on demandait à Pipioli ce qu’il voudrait faire quand il serait grand, il ne répondait pas comme tous les autres enfants pompier, ou gendarme mais choisissait toujours un métier en relation avec ce qu’il avait dégusté ce jour-là.
Pipioli était le dernier enfant de la famille Souris. Celle-ci s’était installée depuis plusieurs générations dans les vieux bâtiments de la mairie d’un village perdu dans centre de la France, là où l’on pouvait encore lire sur le fronton « Liberté égalité fraternité ». Ils jouxtaient l’ancienne école. Là, ils étaient à l’abri des pluies de printemps. Avec sa sœur Pistache, il pouvait batifoler dans la vieille cour bordée d’un pré et faire du pédalo dans la petite mare où barbotaient quelques canards, caquetaient et picoreraient les poules du garde champêtre. Ce pétillant grand-père égrenait ses souvenirs autant que les morceaux de fromage poudrés de mort aux rats dans tous les cabanons du coin ; bien rare si on ne trouvait pas quelques cadavres de bestiolesen putréfaction.

Ah, qu’elle avait été animée cette école depuis les Hussard noirs jusqu’à il y a encore une dizaine d’années ! Que d’enfants avaient joué, s’étaient battus comme des louveteaux pour mesurer leur force, effectuer des partages de billes, de bons points et de quelques carrés de chocolat en guise de pardon et se séparaient prêts à recommencer le lendemain .
Maintenant elle servait de débarras pour quelques antiquités et vieux machins encombrants. Mais Pipioli et sa sœur Pistache y vivaient heureux. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils avaient abondance une bonne nourriture fraîche ; rien que des franches lippées.  A coté de leur cuisine, un réduit regroupait pêle-mêle des ouvrages de toutes sortes. On avait abandonné là, au milieu des toiles d’araignées des vieux documents municipaux, des vieux plans cadastraux, un régal pour le père de Pipioli, des vieux registres paroissiaux qui auraient fait le bonheur des apprentis généalogistes et qui servaient de modèles à Pistache pour faire  de la calligraphie avec grande persévérance. Il y avait aussi une vieille carte de France poussiéreuse sans l’Alsace et la Lorraine, ce qui ne laissait pas d’intriguer Pipioli qui se demandait sans cesse qui pouvait bien avoir mangé ces beaux morceaux. 
Le grand plaisir de Pipioli, c’était de s’aventurer dans les rangées d’ouvrages. Assis il dévorait pendant des heures les contes de Perrault ou d’Andersen. Il avait toutefois veillé à ne pas être transformé en cheval pour le carrosse de Cendrillon. Dans ses découvertes il voulait être tour à tour le Marquis de Carabas, Barbe Bleue pour faire peur à Pistache ou encore le seigneur de D’Artagnan. 
Il naviguait entre les journaux,  bandes dessinées comme Bécassine, Bibi Fricotin ou encore Les Pieds Nickelés. Il aimait Mickey Mouse et prenait plaisir à le voir battre les Rapetous. Cependant il évitait soigneusement tous les documentaires sur les chats surtout les Persans ; il avait de l’allergie et il était malade et le bout de ses oreilles rougissait violemment comme des coquelicots. Il accordait avec parcimonie quelques coups de dents aux manuels de maths ; pas trop scolaire notre Pipioli, mais comme disait sa maman : « si tu ne sais pas compter tu n’arriveras à rien dans la vie ». Alors Pipioli avec courage avalait additions et soustractions. Ce qu’il préférait : les fables de la Fontaine, il avait adoré … Surtout Le lion et le rat car il se sentait presque la vedette. Les rats sont un peu cousins des souris. 

Il alla jusqu'à ronger quelques lettres de Madame de Sévigné, quelques actes du Malade imaginaire et du Cid et se prit pour Rodrigue. Il osa s’attaquer à l’Assommoir et au Père Goriot mais renonça à une édition suisse très ancienne des œuvres de Jean Jacques Rousseau    .

Il grignota un morceau d’un livre « Le tour de France par deux enfants » il décida qu’il serait instituteur.   

Il brava l’interdiction et rogna quelques romans policiers. Il eut très très peur. Il fit des cauchemars atroces ; il était capturé par une bande de chats de gouttière et se mit à trembler se toutes ses pattes, se retrouva avec les moustaches en croix, mais décida qu’il serait « espion de bandits ». 

Un jour, il découvrit tout au fond d’un rayon, un herbier fabriqué par des écoliers qu’il ne rencontrerait jamais. Il fut ému de découvrir toutes ces plantes référencées dont les noms étaient écrits à l’encre violette de plusieurs mains maladroites. Il y avait une pile de cahiers dont les feuillets étaient couverts de dessins à la mine de plomb et aux crayons de couleurs. Il emporta une page de la Petite Flore pour que Maman lui confectionne un gâteau avec du bon pollen. Ce jour-là il voulut être horticulteur ; d’ailleurs sa maman adorait les pivoines .

A quoi cela tient le choix d’une profession !     


Lilou

Vendredi 13 avril

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