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Les mots de Lilou
6 juin 2012

Des mots ; une histoire 68

Désir d'histoire

Julien

 

Buchenwald : Janvier 1944

Alice est agenouillée près de son amie Josée. Sur cette paillasse sale et bourrée de vermine, cela fait maintenant deux jours que la jeune femme brûle de fièvre, elle agonise ; peu à peu la maladie gagne du terrain.

Josée, dans un dernier souffle, supplie Alice de retrouver son fils, Julien, âgé de sept ans, qu’elle élevait seule. Elle l’avait placé chez des parents éloignés à la campagne. Son frère, Maurice au début l’avait aidé mais il avait pris le maquis dès le début de l’occupation pour fuir les services du travail obligatoire. Quant au père de l’enfant courageusement, il avait disparut avant la naissance du petit. Alice, les yeux brouillés de larmes promet…

 

Lyon : mars 1946

Alice est revenue de l’enfer… Comment a –t-elle pu tenir ? L’esprit et le corps humains sont forts et trouvent des ressources exceptionnelles. Cela fait maintenant plusieurs mois qu’Alice

s’est réinstallée dans l’appartement de ses parents dans la presqu’île. Elle n’a pas le courage de retourner son ancien logement près du conservatoire où elle donnait des cours de musique. Le déménagement est au dessus de ses forces. Elle retrouve ici son enfance, les petits bonheurs, le jardin où le printemps fait fleurir les premiers lilas, la petite fontaine, endroit propice à la méditation. Elle a repris le chemin des répétitions avec l’Orchestre national de Lyon ; elle joue de la flûte traversière… La vie a repris, la vie continue.

Les premiers concerts lui ont fait du bien mais malgré les acclamations du public enthousiaste après ces années noires, ne l’apaisent pas vraiment ; deux prénoms tournent dans sa tête.  

Elle n’a pas oublié sa promesse. Dès qu’elle a pu, Alice s’est renseignée. Hélas la famille de Josée a disparu. Un jour la gestapo a opéré une rafle de représailles, l’homme a été fusillé et la femme est partie folle de douleur oubliant le gamin. Les voisins l’ont d’abord recueilli puis devant fuir à leur tour, ils ont accompagné l’enfant dans un orphelinat mais plus personne ne sait lequel.

Des amis lui conseillèrent, alors de s’adresser à des d’experts qui se sont installés pour retrouver justement les enfants perdus. Ils assurent une médiation entre les familles et les directeurs d’orphelinats. L’affaire est juteuse mais pas toujours efficace.

Alice entreprit seule la tournée des établissements de la région. Difficile ! Beaucoup d’enfants ont été recueillis mais on ignore le destin des parents. Sont-ils morts, disparus, vivants ? S’il était bien normal de rechercher son enfant, les directeurs qu’ils soient civils ou religieux se devaient d’être très prudents et de ne pas donner de fausses espérances.

Mue par la force de sa promesse, Alice ne se découragea pas et finit par rencontrer un jour un enfant qui ressemblait à Julien. Tel que lui avait décrit sa mère, il avait une tâche mélanique sous le cou semblable à la sienne en forme de croissant de lune. Le petit très traumatisé par ce qu’il avait vécu,  parlait à peine. Il se souvenait juste de son prénom. Alice sentit son cœur bondir dans sa poitrine.

Sa joie se fit angoisse quand elle apprit aussi qu’un homme avait déjà réclamé le petit garçon et que les démarches d’adoption étaient bien avancées. Qui venait prendre Julien ? Cet homme avait menti, inventé une histoire plausible pour « s’emparer » de Julien. Elle devait en avoir le cœur net.

Alice s’installa dans une pension proche de l’orphelinat. Tous les jours, elle guettait les allées venues et finalement un samedi, elle fut récompensée. Elle vit un jeune homme sortir de l’institut en tenant le petit garçon par la main.

N’écoutant que son cœur, elle fonça droit devant elle, bouscula le jeune homme qui tomba par terre et attrapa l’enfant.  Elle fit mine de partir en courant mais l’enfant résista ce qui permit à l’homme de revenir.

 

-        Nous n’avons pas été présenté dit-il dans un sourire charmant ; je m’appelle Maurice et voici mon neveu Julien.

-        Moi c’est Alice et je voulais…Alice resta bouche bée… Elle venait de reconnaître sous le menton de l’homme la petite tache en forme de croissant de lune.

-        Si nous allions nous asseoir et prendre un verre nous serons mieux pour faire un brin de causette.

 

Septembre 1946

Alice sort sur le perron de la Mairie du cinquième arrondissement de Lyon. Elle est vêtue d’ une robe toute blanche avec des incrustations de dentelle rose pâle ; à ses côtés un jeune homme en costume gris sombre et devant eux, un petit garçon l’air joyeux.

 

Lilou

mercredi 6 juin 2012

Avec les mots : mort – jouer – presqu’île – brin – frère – médiation – mélanique – (normal) – expert – orchestre – éloigné – acclamation – plausible – espérance – maladie – déménagement – incrustation

 

 

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