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Les mots de Lilou
9 février 2012

Des mots ; une histoire 55

Désir d'histoire

Le rhume

 

Agathe sirote son quatrième grog de la soirée ; celui là elle l’a un peu pimenté, sa voisine lui a conseillé un peu de piment d’Espelette.

-        « Je gage, lui avait-elle dit, que demain vous êtes sur pied. Foi de Martine c’est souverain ».

La tête dans du coton autant par le rhume que par le rhum en excédant, elle se bauge tel un sanglier sur le canapé du salon. Elle n’avait encore jamais ressenti cette sensation d’être éveillée et de somnolence en même temps.  Hier matin, elle est sortie dans le froid mordant de ce mois de février sans mettre le super bonnet de laine que sa grand-mère lui a tricoté… Quel blasphème pour la pauvre Mamie. Elle voulait installer les boulettes de graines qu’elle avait fabriquées avec de la margarine pour les petits oiseaux qui s’abritaient tant bien que mal dans les nichoirs couverts de givre, accrochés dans les vieux arbres. Seule ce week-end, son compagnon le beau Julien, vétérinaire et seul spécialiste en France des otaries est parti s’occuper de ses animaux chéris dans un zoo près de Bordeaux. Il lui avait bien proposé de venir avec lui mais elle avait préféré rester ici pour le cas où sa sœur dont la fille, la petite Emma, aurait besoin d’elle. Le bébé âgé de dix mois était à l’hôpital pour une méchante bronchiolite. Agathe a mis en sourdine la télé : elle regarde les images qui défilent. Elle a regardé d’un œil fort peu intéressé un documentaire sur la fabrication du fromage plus exactement le Beaufort. Les paysages de Savoie en revanche sont d’une telle beauté, qu’elle en oublie un peu les mouchoirs qui commencent à s’entasser dans la corbeille au fur et à mesure que la boîte se vide. Une image, une montagne, un précipice, des gentianes bleues ; tout bouge autour d’elle ; les objets les plus divers. Elle voit stupéfaite le cactus du salon et une pie danser une sarabande frénétique. Au milieu de ce marasme, elle aperçoit son mari en costume militaire les épaulettes garnies de trois barrettes, comme lors de leur mariage. Pfft la chaleur s’empare de son corps, elle transpire, elle se voit au milieu du désert. C’est la nuit. Au loin, une sonnerie ; cela ressemble à celle du téléphone mais au milieu du désert quelle dérision ! Des grands coups résonnent dans son crâne.  Agathe remue un peu… puis dans les nuages elle réalise que c’est à la porte que l’on toque. Titubante elle ouvre et tombe dans les bras de son époux rentré plus tôt que prévu. Les avions n’ont pas pu décoller tant le gel était important : les pistes s’étaient transformées en patinoire. Les bras chauds et caressants lui font recouvrer ses esprits et c’est d’une voix toute ténue qu’elle affirme avoir bu de la tisane rien que de la tisane et encore de la tisane pour se soigner.

-        « Oui, oui murmure le beau Julien ; viens donc te recoucher.

 

Lilou

jeudi 9 février 2012

Mots à placer : cactus – documentaire – blasphème – chérir – pie – pimenter – matin – ressenti – gel – graine – bronchiolite – fromage – sarabande – mordant – gage – épaulette – dérision – givre – précipice – otarie – patinoire – nuit – excédent – frénétique

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