Des mots ; une histoire 54

Le rêve d’Hélène

Hélène croisa pour la troisième fois cette semaine un bel inconnu. Une première fois, à la gare alors qu’elle était allée poster le courrier du cabinet d’avocats pour lequel elle assurait le secrétariat. Elle le revit deux jours après, l’air désorienté qui sortait du bureau d’étude de son patron maître Durand. Celui-ci avait une réputation qui n’était plus à faire ; ténor du barreau il défendait aussi bien des coupables que des victimes sans distinction et mettait tout son talent au service de ses clients. Samedi, alors qu’elle prenait le train pour aller voir son père à Dijon, elle aperçut son inconnu sur le quai en compagnie d’une jeune femme qui lui ressemblait beaucoup. Elle se dit que vraiment le hasard était bien étonnant.

Ce lundi, levée de bonne heure, elle se prépara et comme d’habitude elle hésita entre mettre une jupe de cuir havane particulièrement seyante et un pull en angora crème ou un simple jean moulant mais confortable avec une chemise à carreaux. Finalement elle opta pour une robe en jersey de soie vert sapin sur un leggings noir. Elle compléta avec une paire de bottes fourrées quand elle constata que la neige annoncée par la météo était au rendez-vous. Après avoir pris un petit déjeuner frugal, elle enfila sa parka et sortit de sa maison, un petit pavillon charmant que sa mère lui avait laissé en héritage. Le froid lui mordit les joues et dans la lueur des réverbères quelques flocons dansaient comme des petits papillons légers.

Arrivée, elle prépara le café, mit l’eau à chauffer et se mit à trier le courrier des chers maîtres. Ah, ces avocats ils mettaient de l’animation. Souvent ils se tiraient la bourre et ils la prenaient à témoin mais elle ne prenait pas parti. Elle ne commettrait jamais cette erreur ; leurs petites luttes intestines ne la concernaient pas. La bouilloire chanta…Hélène ne l’entendait pas… Le train filait inexorablement vers une destination mais laquelle ; elle faisait des efforts pour se souvenir. Il ne lui revenait en tête que cette chanson des années 60 remise au goût du jour ;

Et j’entends siffler le train

et j’entends siffler le train

        que c’est triste un train qui siffle

                                       dans le soir

Une mésange bleue se posait sur sa main ; elle tournait les pages d’un livre et entendait murmurer des mots qui coulaient dans son oreille comme une cascade cristalline. Une main se posait sur son épaule…

Elle ouvrit brusquement les yeux et aperçut les yeux immenses vert de son inconnu plein de tendresse. Elle vit ses lèvres remuer et lui dire :

-        Bonjour je suis Arnaud, le nouvel avocat associé. Si vous avez besoin de sommeil aucun problème je me fais un plaisir de vous raccompagner dans vos foyers et veiller sur vos rêves.

-        Et pourquoi pas, répondit Hélène non sans malice, rouge comme une tomate sans savoir si c’était de confusion ou de plaisir.

Lilou

jeudi 2 février 2012

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